Storm approaching - Adhémar

Il n'y avait pas de pire obligation que celle de rencontrer un créancier alors qu'on n'a pas de quoi le payer. Les contrats s'étaient faits peu nombreux ces derniers temps et en plus de ça, je m'étais parfois faite doubler comme une novice. Ces fichus corbeaux de la nuit y étaient sans doute indirectement pour quelque chose... c'est pourquoi je devais changer de région, bouger et trouver d'autres clients. Parfois, j'en venais à souhaiter qu'éclate un conflit et qu'un riche seigneur vienne accepter d'engager une femme pour défendre son nom. Enfin... le butin promis.

Peu importait le seigneur, ses valeurs ou la cause prônée. Je n'étais intéressée que par le résultat : une bourse pleine d'écus. Sans être attirée par l'argent, c'était là le seul gagne pain que j'avais et à chaque rencontre, je me suis toujours retrouvée face à la fatalité suivante : toute cause à un côté sombre. Alors j'ai, depuis longtemps, cessé de croire qu'il existait des combats justes, des causes qui méritaient qu'on les défende sans rien attendre en retour. Je ne méprisais pas l'honneur et la noblesse de cœur des chevaliers ou encore la loyauté des soldats, mais à me mettre un instant à leur place, je me dis qu'au jour où le masque de leur dignitaire tombera, ils tomberont de haut. De quoi détruire des personnes. Non. Les valeurs étaient des pièges à cons. L'argent restait alors la seule valeur sûre.

J'avais rejoins cette ville pour une bonne raison. Enfin bonne... sage en tout cas. Loin de moi l'envie de voir mon père remettre le grappin sur moi. Même si après avoir appris la disparition de ma sœur, je me disais que ma famille avait peut-être besoin de moi... un côté orgueilleux car j'étais partie depuis près de vingt ans... qu'avaient-ils à attendre de moi ? Et ce contrat prôné par Adhémar, était-il seulement encore d'actualité ? Connaissant mon père, oui, certainement. Un entêté de première qui a dû être plus que blessé de voir son propre sang le trahir et le fuir. Je lui avais causé du tord, un tord que je considérais encore aujourd'hui mérité. Nous avions beau être une famille renommée à Kovir et Poviss, rien ne forçait mon père à forcer un mariage avec qui que ce soit... Je déplorais ma lâcheté d'avoir abandonné ma jumelle qui a été alors enchaînée à ce mari à ma place, mais je sais très bien que ça n'aurait pas été une vie pour moi...

Cette vie que je menais, était-elle plus adaptée ? En tout cas, je m'y retrouvais. Loin des poésies à réciter, de la harpe et des arts à pratiquer. Loin de l'étiquette et des obligations de bienséance. Loin des courbettes et de tout ce que ça impliquait... Une vie nomade, sans réelle attache, mais cela me convenait plus qu'un foyer, un mari et dix enfants. Si je gardais un côté rêveur à vouloir trouver une personne dont je tomberai amoureuse et avec qui j'aurais envie de fonder une famille, il m'était naturel, encore aujourd'hui, de repousser l'échéance. Je n'étais plus très jeune, j'en avais conscience, mais je n'étais pas encore prête à renoncer à cette vie d'aventure. Pour ce qu'elle avait de bon à offrir, comme de mal.

Le mal de ce jour se nommait Adhémar et nous devions nous rencontrer dans cette auberge. Étrange endroit... mais j'avais connu pire. Lui aussi, à n'en point douter. Une cohue s'élevait dans la grande salle. Entre les gueulards, les ivrognes, les joueurs de Gwent et des chanteurs improvisés, il y avait de l'ambiance... Mes yeux balayèrent la taverne avant que je ne puisse deviner qui était le tenancier. Ou en tout cas, l'un de ses travailleurs. Commandant un rafraîchissement, je dus me mettre en quête d'une place assise. Je n'avais pas encore vu Adhémar et sa mine patibulaire. Ce bougre devait être en retard. Ou peut-être étais-je trop en avance...

Quoi qu'il en soit, je voulais m'asseoir. Depuis cette attaque de nekkers, je n'avais plus de cheval et voyager à pieds était plus qu'éprouvant. Alors je trouvai une table avec une assise de libre. Je m'y dirigeai et enjambai le banc pour m'installer. « Hep hep ! Si tu t'assoies ici, c'est pour jouer. » Je jetai un œil sur la table en bois suintant de gras. « Jouer ? Je veux bien mais je n'ai pas de cartes... » Un prérequis non-négligeable pour jouer... Il sortit de nulle part un paquet. « T'en fait pas pour ça. Par contre, faudra aligner quelques couronnes/orins. » Un soupir et je sortis de ma poche quelques piécettes. « Cela suffira à louer cette place ? » Expirai-je avec un léger agacement. Il haussa les épaules et le jeu commença.

Diantre que j'étais nulle à ce jeu... il installait les cartes avec une facilité déconcertante. Derrière, j'essayais d'économiser mes forces, le laissant gagner quelques batailles pour espérer remporter la guerre. Mais chacun de mes mouvements semblait vain... Jusqu'à ce que se lise sur son regard une contrariété certaine. Il n'avait pas les cartes qu'il voulait. Je mettais naturellement ça sur le coup du hasard de son jeu étant donné que je n'avais guère de grandes qualités de tacticienne pour ce genre d'applications. Et contre toute attente, captant l'intérêt des joueurs d'à côté, je vins à gagner la partie ! M'étonnant moi-même, prônant la chance du débutant, j'affichai un simple grand sourire presque désolé. Mon adversaire était particulièrement énervé et l'élargissement de ses narines à chacun de ses souffles ne faisait que le confirmer. « Je crois que je vais y aller », lançai-je un brin mal à l'aise en ramassant l'argent mit en jeu. Un mauvais pressentiment qui ne tarda pas à se confirmer...

Il se leva en même temps que moi, fit le tour de la table de pas précipités par la colère. Ses joues écarlates allaient exploser... « Tricheuse ! J'vais t'montrer ce qu'on fait aux étrangers dans ton genre, puterelle du nord ! » Un ton qui vint rapidement à monter. Ma main se posa sur ma dague avant que d'autres ne viennent s'interposer et le retenir. Visiblement, ils étaient habitués à ces excès de colère... Ils tentèrent de le raisonner à lui dire qu'il devait finir par accepter de perdre une partie de temps en temps. Je me retins de lui lancer une quelconque remarque, ça n'aurait fait qu'aggraver les choses. Mais il semblait que mes mots soient inutiles pour qu'un conflit éclate. Certains vinrent défendre le mauvais joueur contre les arbitres et une bagarre vint s'amorcer. Plusieurs hommes présents sortirent les poings et dans ce capharnaüm, je fus entraînée à me retrouver en prise avec des fauteurs de trouble. Ma dague alors dégainées, je devais faire attention de ne blesser personne trop gravement... Des coups de pommeau, des coupures à ceux qui s'approchaient de trop et trop vite, puis un bruit de métal qui s'entrechoque. J'avais fait volte-face à sentir mon dos se coller à un inconnu et, retournée, je pus constater qu'il s'agissait d'Adhémar. Il me dépassait de bien deux têtes et faisait très imposant vu d'en bas...

La garde n'allait pas tarder à arriver et tous nous dégager, demandant certainement des comptes à ceux qui étaient venus à en sortir leurs armes. Mais je restai plantée là face au chasseur de primes. L'adrénaline mêlée à la surprise de le voir - quand bien même j'étais ici pour le rencontrer - me ramena quelques années en arrière à faire resurgir ce piquant qui nous avait habité durant ces mois passés à voyager ensemble... C'était de l'histoire ancienne, je ne devais pas chercher à obtenir quoi que ce soit de lui, ça ne serait bon qu'à me faire du mal. Alors que l'auberge recouvrait son calme, je me ressaisis et rengainai ma dague d'un geste vif en quittant son regard.

Une énergie certaine se dégageait de ce regard croisé. Comme une soudaine bouffée de chaleur et cette impression de souffle coupé... Le revoir procurait à chaque fois cette étrange sensation de dégoût et de désir. Personne n'aimait ses créanciers, surtout lorsqu'ils étaient aussi redoutables et manipulateurs. Et pourtant, une part de moi-même ne savait regretter ce que nous avions pu vivre. Ces jours que je savais me vanter avoir laisser derrière-moi alors qu'au fond, ils me manquaient. Il me manquait. Cependant, face à lui, j'étais bien trop entêtée pour l'admettre.

Il avait été le premier et le seul homme dans ma vie. Ce qui tissait un lien particulier que je déplorais... cela sonnait si mièvre et naïf ! En rien il ne méritait cette place si spéciale que mon cœur s'échinait à lui attribuer. Alors je combattais moi-même, entre raison et sentiments, pour garder mes distances. Faire comme si ça n'avait plus d'importance aujourd'hui. Seule la dette comptait. Une dette que j'aurais du mal à éponger si les circonstances ne venaient pas à changer... Les contrats étaient trop peu nombreux.

Lorsque les gardes entrèrent, Adhémar me saisit le poignet et m'entraîna sans que je ne puisse faire autrement que de le suivre. De grandes foulées forcées par son étreinte afin de rester sur ses talons. Sans réfléchir à où il m'emmenait, je le suivais en n'opposant aucune résistance, bien au contraire. Persistait une confiance certaine - que je pensais à tord - qui me poussait à le suivre sans me poser de question.

Nous nous retrouvâmes dans une chambre que le chasseur de primes se chargea d'entraver avant d'écouter à la porte. Le calme allait revenir. Il suffisait de patienter. Se faire oublier. Quand il se retourna vers moi, ce fut pour lancer un sarcasme amusé. « Oui, j'ai un talent naturel pour attirer les mauvaises personnes », le charriai-je pour me défendre. Un soupir et je réajustai mon pourpoint rafistolé. Les nombreuses mésaventures l'avaient éprouvé, et dans les dernières en date, il y en avait une qui avait également laissé des cicatrices qu'Adhémar ignorait. « Alors le plan c'est de rester sagement ici en attendant que la milice s'en aille avant de parler affaire ? » Une perspective qui n'était pas pour me plaire : parler affaire. Je n'avais qu'un maigre bourse à lui donner. Je craignais qu'Adhémar vienne à douter de ma parole et ne parle de trop aux mauvaises personnes...

Si je ne lui prêtais pas de mauvais sentiments à mon égard, la prudence me forçait à continuer de croire notre marché au-dessus de tout le reste. De ce qu'on avait pu vivre et de ce qu'on avait pu - peut-être - ressentir l'un pour l'autre. Même si je pensais m'avancer un peu trop sur ce point... Nous n'avions jamais réellement parlé sentiments et je ne voulais pas mettre ça sur le tapis. Bien trop peur d'être la seule à avoir vraiment ressenti quelque chose. Un manque de réciprocité, dans ce genre de relation, était plus qu'embarrassant... Ce n'était pas quelque que chose que je voulais ajouter entre nous. « En tout cas, j'espère qu'ils s'en iront rapidement », échappai-je à voix basse, quelque peu gênée de me retrouver enfermée avec Adhémar dans un tel lieu. À aucun moment, je ne vins le remercier de m'avoir évité les cachots en m'ayant entraînée ici. Pourtant, il y avait de quoi. Mais que l'on couvre nos arrières, l'un l'autre, me paraissait si évident... Une complicité qui peinait à s'évaporer malgré le temps qui s'écoulait.

En toute impunité, je scrutais son visage, ses rides expressives, comme si j'étais à la recherche de quelque chose. D'un signe ou autre... Pour quel but ? Je ne savais guère... Avec Adhémar, je ne savais jamais vraiment ce que je voulais, ce que j'attendais, ce que j'espérais. Le revoir, comme à chaque fois, faisait remonter des sentiments que je ne pouvais pas assumer. Que nos deux vies ne pourraient accueillir. Être si complice de quelqu'un, avoir une telle synergie, et ne rien pouvoir en faire... ça avait quelque chose de triste.

Était-ce une blessure commune ? Que lui aussi ressentait ? J'en doutais... Sur ce plan, nous étions bien trop immatures pour savoir ce que l'autre ressentait sincèrement. Sa réponse notait ce décalage perpétuel que nous cultivions... J'adorais sa présence, ses mots, ses attentions. Ou tout du moins celles que le chasseur de primes avait pu avoir envers moi quelques années auparavant. Était-ce là le piège ? Celui de constamment le ramener à une image que je m'étais faite de lui ? Un engrenage qui remettait ces doutes sur la table à chaque rencontre ?

Un soupir. « Navrée, mais ton sourire charmeur ne marche plus sur moi, garde-le pour tes conquêtes de passage », lançai-je un brin amère. Juste ou non, les hommes et les femmes avaient un rapport différent à l'intimité. D'avoir grandi avec une majorité de frères, j'avais rapidement compris que c'était dans leur nature que d'aspirer à voguer de lit en lit. Et que nous, les femmes, nous ne devions pas nous abaisser à cela. Ce genre de préceptes n'avaient aujourd'hui que peu de valeur à mes yeux, mais les faits étaient là : sans doute Adhémar avait-il connu mille femmes depuis que nos chemins se sont séparés. De mon côté, aucun homme ne s'était révélé être à sa hauteur...

À sa proposition de passer par la fenêtre, je me tournai quand même pour attester de la faisabilité de l'entreprise. Juste par curiosité, rassurée qu'il n'ait évoqué qu'une porte de sortie. Mes joues commençaient déjà à devenir écarlates... Cet instant légèrement embarrassant fut éludé par la curiosité d'Adhémar. « Pour une fois que j'ai gagné au Gwent et bien... je n'aurais pas dû. Je me fichais de sa pièce, de son jeu, je voulais juste m'asseoir. Pas de chance. Après ça a dégénéré... » expliquai-je au sujet de la bagarre. Pour mon cheval, c'était une toute autre histoire. À ça, je vins m'asseoir sur le bord du lit, posant mes mains sur celui-ci pour prendre appui. « Pour ma monture... c'est une longue histoire. Résumons simplement ça en une sale rencontre qui a mal tourné. Encore. Cette fois c'étaient des nekkers et non des poivrots... En plus d'y avoir laissé des plumes, mon cheval a pris peur et a détalé avec une grande partie de mes biens... » Ça avait don de faire une bonne introduction à ce qu'il me fallait lui dire : je n'avais pas les moyens de le payer. À peine de quoi me payer une auberge pour la nuit. En plus d'avoir tout perdu, ces derniers mois je peinais à trouver des contrats intéressants... À rêver d'une guerre entre deux villes pour m'enrôler dans leurs combats. Quand bien même aucun seigneur ne semblait disposé à payer une femme pour se battre.

Mes yeux se baissèrent lorsqu'Adhémar me reprocha, certainement à raison, de jouer les difficiles. Nerveusement, je mordis ma lèvre inférieure. Bloquée dans ce jeu auquel on s'entraînait depuis tant de temps déjà... Je m'étais rendue à ce rendez-vous pour sauver mon honneur, lui dire en face que je ne pouvais pas le payer cette fois-ci, mais également parce que d'un autre côté, je ne voulais pas rater cette occasion de le retrouver. Avoir cette dette était un prétexte qui repoussait l'échéance de ce que je pouvais attendre de notre relation.

Le chasseur de primes poursuivit ses mots en partant sur mon acceptation, bien sûr évidente après une telle remarque... Un partage équitable de la récompense, puis pour la part que je lui devais aujourd'hui, un quelque chose qui marquerait le paiement. Ça pouvait être n'importe quoi. Nos regards ne se soutenaient pas de façon égale. Il avait le dessus sur moi et j'avais l'appréhension que la suite se passe mal... Une boule au ventre qui sollicitait mes nerfs. J'ignorais pourquoi au lieu d'avoir un sentiment reconnaissant qu'il se montre aussi magnanime, je venais à ressentir de la colère. Ce n'était même pas une colère dirigée directement vers lui...

Nullement besoin de prendre le temps de réfléchir : je n'avais pas grand chose à lui offrir pour payer ma dette... décrocher la bourse qui me restait à la ceinture serait à la limite de l'insulte... Je me levai et m'approchai de lui en dégageant mon cou de mes cheveux, laissant apparaître une chaîne argentée. Je glissai mes doigts autour d'elle pour en faire ressortir le pendentif désiré. Un fin médaillon raffiné composé de dimérite. Certainement un objet d'une valeur inestimable. Le dernier vestige de ma famille que je portais. D'un geste sec, arrivée à sa hauteur, j'arrachai le collier et le lui tendis en le fixant avec peine. Ce collier, je n'avais jamais songé à le vendre ni l'échanger contre quoi que ce soit... Sa valeur était, à mes yeux, plus sentimentale que pécuniaire. Mais je comprenais qu'un accord était un accord. De plus, je savais à qui je le confiais. Quand bien même il y avait de fortes chances pour qu'il le vende, je me confondais d'optimisme à considérer cela plus comme un placement... « Est-ce que ça peut suffire ? » Me résignai-je, dents serrées.

De nature, je n'étais pas le genre de fille que l'on pouvait facilement impressionner. Vagabonde depuis mes treize ans, recueillie et entraînée par un Sorceleur, peu de choses, finalement, parvenaient à m'intimider. Ma les circonstances et cette nouvelle proximité ne me laissaient pas indifférente. Un mélange constant de contradictions... « Je ne dormirai pas en ville cette nuit. Où devrai-je te rejoindre pour ton contrat ? » Demandai-je d'un ton des plus neutres et factuel alors que mon cœur se mettait à tambouriner dans ma poitrine... Un soudain sentiment de vulnérabilité qui m'assaillait. Je ne m'étais jamais séparée de ce bijou qui m'était si cher et j'espérai, en acceptant sa proposition, parvenir à rassembler la somme de ce que je lui devais assez rapidement pour le lui reprendre. Ou bien exiger d'Adhémar qu'il le garde et ne le vende sous aucun prétexte... Je ne savais comme expliquer ce geste, mais lui donner ce pendentif me donnait l'impression de signer un tout autre accord avec le chasseur de primes...

Un hochement de tête. Il savait ce que ce collier représentait pour moi... mais il avait raison. Fidèle à lui-même, Adhémar préférait désamorcer, dédramatiser. Je ne pouvais pas lui en vouloir. Alors un simple soupir s'extirpa d'entre mes lèvres. Je ne pus m'empêcher de fixer sa main se refermant sur le médaillon. Étrangement, c'était plus facile que je ne le pensais... et aussi bien plus lourd de sens que je ne l'aurais imaginé.

De quoi me mettre mal à l'aise.

Et en ça, Adhémar n'aidait pas. Le fait que ce soit lui, et cette lueur dans son regard. Comme un fantôme du passé que l'on aime voir et revoir. La tension de l'échange ne parvenait pas à dissiper ce magnétisme qui s'acharnait à vouloir nous attirer l'un vers l'autre. Ce n'était pas vraiment le moment pour penser à ça, mais je n'arrivais pas à m'en empêcher. Peut-être parce que la dernière fois qu'on s'était retrouvés seuls dans une chambre d'auberge, aucun de nous n'était resté sage...

Dans tous les cas, il semblait que nous avions un accord. Pour le mieux ou le pire, je l'ignorais... Un gage de sécurité et ma participation à sa mission. Je n'avais plus qu'à le laisser et repartir. Sauf qu'à ma question, Adhémar fit une proposition : il me passe la chambre et il dort aux écuries. Je fronçai les sourcils. Je n'étais pas du genre à accepter la charité, mais un lit... j'en rêvais et mon dos en avait grandement besoin ! Cela dit, il était hors de question que pour ce confort, le chasseur de prime se tape les odeurs d'écuries toute une nuit. Ça proposition était faite pour éviter toute arrière pensée et sans doute se montrer gentil... Un geste qui me toucha et établissait une évidence avec laquelle je n'avais pas vraiment de raisons d'être inconfortable. « Ce qui me gênerait c'est de te savoir dans les écuries et moi ici. C'est ta chambre. Je t'avouerai que j'ai bien besoin d'un repos digne de ce nom », vins-je confier à voix basse.

Sans vraiment y réfléchir, mes lèvres s'entrouvrirent de nouveau pour lancer un sarcasme pouvant lui assurer que je me tiendrai également, mais pour une raison trouble, je me ravisai. Peut-être parce que c'était amusant en pensée et non prononcé. Ou parce que je ne voulais pas m'avancer de trop sur ce qui pourrait se passer... « Peut-être que le calme est revenu en bas », me rattrapai-je alors, poitrine se soulevant bien trop pour nier une respiration régulière et normale. Mon regard avait beau se tenir sur la porte, je n'arrivais pas à retenir mes yeux d'aller croiser ceux d'Adhémar...