Thorn of iron
Mon sourire se crispa à l'évocation de la cruauté de mon maître. Le temps passé à Heartkiller me laissait avoir un avis partagé alors qu'en toute objectivité, oui, il était aussi horrible. A croire que l'on venait à s'habituer à certains comportements. Sans les excuser, à les accepter. C'était effroyablement fataliste comme raisonnement... adouci par les traits fins de Sam. « Je crois que nous sommes trop différents d'eux pour mériter d'avoir la réponse à cette questions. Ce serait comme demander à une gazelle de trouver une lionne sympa dans la savane », dédramatisai-je alors. A ne pas tous les condamner sans pour autant entendre que ça puisse être le cas.
Une poignée de main cordiale se vit accompagner d'un avis sur les lieux. Je partageais ce point de vue, à plus forte raison qu'il offrait un moyen de se sentir loin des vampires quand ils ne s'y trouvaient pas. Mais les compliments qui s'en suivirent étaient plutôt... gênants. « Je me contente de faire ce qu'on me demande. Même si embrocher les visiteurs est une initiative portant ma signature », renvoyai-je d'un léger froncement de sourcils. Il m'assura une nouvelle fois que ce n'était rien.
Son côté avenant m'étonnait mais en même temps, me donnait envie de m'y raccrocher. J'avais l'impression de ne plus avoir de contact normal avec autrui depuis des lustres... Depuis mon arrivée sur cette île. C'était... rafraîchissant. Et en même temps dangereux. Après tout, j'ignorais à quelle solde il était, les intentions qu'il pouvait avoir. Et même la place qu'il avait réellement dans ce château. Un voile qui me plaisait pourtant d'apposer sur cette rencontre. L'impression, pour une fois, de ne pas avoir à lutter. Même cette faim latente qui m'habitait ne semblait se réveiller face à l'humain. Autant de signes que je mettait de côté et ne souhaitais relever. « Au château... quelques jours. Et je ne devrais pas y rester bien longtemps. Je suis une sorte de jouet prêté en attendant qu'un meilleur soit trouvé pour me remplacer », dépeignis-je avec auto-dérision. « Sur l'île, ça va bientôt faire un an. J'ai l'impression pourtant que ça fait une éternité... Comme de rencontrer quelqu'un et pouvoir passer un moment sans le regard carnassier de ces créatures », précisai-je en le regardant d'un œil presque nostalgique.
Me manquait le temps où un verre se buvait entre amis dans un bar, où on se retrouvait dans les camps à chanter et se couper du monde, où on pouvait s'attacher aux autres sans craindre qu'ils ne nous fassent de mal ou qu'on leur en fasse. Je donnerais beaucoup pour retrouver cette ignorance. Retrouver la légèreté de ce monde qui semblait à une vie de là... Auparavant, je ne me posais jamais autant de questions, ni n'avais cette méfiance et ces craintes face aux autres. Prenant la vie et les instants comme ils venaient. Saisissant les opportunités de se satisfaire des bonheurs simples qu'offrait la vie. Bien loin du guindage de mon éducation et de la froideur de ceux qui m'avaient élevée. A croire que certains traits de personnalité et comportements étaient génétiques plus que culturels. « Toi tu aurais presque l'air dans ton élément, tu es là depuis combien de temps ? » Demandai-je à sa suite. Si les vampires brillaient d'une beauté physique qu'on ne pouvait leur enlever, ils savaient aussi dénicher les humains aux traits soignés et les parer de beaux atours, comme pour les faire correspondre à l'ambiance des lieux.