aa. May it be so ? φ Kaleb & Desdemona

Un passage indispensable. Bien que Lorcan aurait pu m'en dispenser. M'accordait-il de l'accompagner uniquement pour faire grincer les dents de ses nobles affiliations ? Aucune idée. Apprêtée comme il se devait, abandonnant une part des cuirs aux coupes provocantes que d'ordinaire j'arborais, ma tenue s'accordait à l'ambiance des lieux. Sans fioritures de dentelles et de tissus raffinés, un velours assez bas de gamme, je ne manquais cependant pas de faire un tant soi peu... tâche dans cette simplicité. Rien qui ne serait préjudiciable à mon maître, ce n'était pas là le but. Et je devais le prendre comme une récompense. Pouvoir être dans la cour des grands. S'il savait que je n'avais aucune envie de me mettre sous le nez des Lightwood, Lorcan connaissait mon intérêt pour les festivités, quelque soit leur forme.

C'est avec une bonne volonté que je m'y rendais, traînant légèrement alors que mon maître avait déjà franchi les grandes portes. « Je te suis », glissai-je en restant en retrait, ajustant le masque des plus sobres que je portais. Un velours noir sans artifices. Quand il disparut de ma vue, je sortis une petite flasque accroché à une jarretière en cuir dissimulée par ma longue robe noire asymétrique. De longues gorgées d'un alcool qui pourrait m'aider tenir le calme somnolant des valses et des courbettes. Je n'entendis les pas qui approchaient qu'au dernier moment. Refermant la flasque, je fis volte-face avec un sourire des plus radieux au visage. L'importun possédait des traits plus que familiers. « Kaleb ! Un plaisir de voir votre grandeur honorer l'assemblée de sa présence ! » Noyai-je en une révérence sur-jouée qui m'amusa. Bien que je n'ai pas vécu avec lui, Kaleb était une sorte de frère pour moi, pas autant qu'il l'était réellement pour Lorcan cela dit. Il était, en ambition, l'inverse de son cadet. En tant qu'aîné des Christensen, il n'avait guère d'autre choix.

Sa mine patibulaire et ce charisme qui le rendait naturellement supérieur aux autres avaient causé bien des étincelles entre nous. Il avait eu du mal avec moi, et régulièrement des pics lancées ci et là nous rappeler ces discordes. Je n'oubliais pourtant pas ma place et lui laisser le dernier mot lorsque les vérités s'invitaient à nos échanges. Sans craindre d'être réprimandée de quelque manière que ce soit, je commençai à relever ma robe sur ma cuisse pour accrocher ma flasque à sa place, découvrant la jarretière sans gène face au vampire.

Un sourire. Les seigneurs tels que Kaleb n'avaient plus à se montrer pour exister. Mais quel affront serait de manquer à l'appel lors d'une telle réception ? Certains se préparaient des mois à l'avance pour ces festivités annuelles.

Ses yeux viennent caresser mes courbes alors dessinées par le tissu velouté. Aucune gêne ne se lit sur mon visage. Non pas que que je me sois habituée à être ainsi dénudée des yeux : en tant que succube, c'est là une chose pour laquelle j'étais née. Plaire au regard. Si je n'étais plus aussi fraîche qu'à mes premières décennies, loin sommeillait le jour où seul mon pouvoir saurait attirer les regards.

Les vampires avaient cela pour eux que, tant habitués à la beauté, leur vue se voyait plus charmée par l'innocence et l'appel du sang humain que des atours des créatures telles que moi. Alors jamais le regard d'un vampire ne m'était apparu tel un danger. Au contraire, j'en jouais. Ce qui aidait les affaires de Lorcan pour qui, l'aîné Christensen, venait plébiscité que je m'habille de la sorte plus souvent. Mon sourire s'étend à ses mots pris pour un compliment avant de se relâcher. Ce n'était pas mon maître que je devais séduire alors certes, il pourrait apprécier, mais cela ne servirait guère nos intérêts communs.

La flasque rangée, la main de Kaleb vint délicatement relever le pan de ma robe. À mon regard sybarite, il put dévoiler la jarretière et constater la fiole. Une lueur malicieuse dans son regard à croire qu'une carte rejoint son jeu. « Je doute que Lorcan apprécie de me voir prendre pour première direction le buffet et ses breuvages. Simple sens de la stratégie. Aurais-je des leçons à vous donner sur ce point, seigneur Kaleb ? » Le charriai-je avec imprudence en plissant les yeux d'un regard défiant ; mais là était le plaisir, cette pointe de risque.