Lorsque l'amie rencontre la sœur ▬ Alessia & Cosima

Des pressentiments. Des suspicions. Je regardais chaque soir les requêtes surveillées par mon moniteur. C'était affolant tout ce que l'on pouvait faire grâce à l'informatique. J'avais beau baigner dedans, ça m'épatait toujours. Et ça me frustrait de voir chaque jour des personnes utiliser bêtement des ordinateurs sans se rendre compte de la puissance de ces machines. Un grain de sable dans le rouage pouvait malheureusement menacer de tout faire s'effondrer : jusqu'au monde entier. Il valait mieux donc que certains restent à moitié ignorants. Voire totalement.

Si à mon entrée dans le clan Pagliarelli Dekian m'avait mise en garde sur certaines pratiques, certains détails à observer comme ne jamais utiliser de compte à son nom pour placer l'argent gagné par les missions, il m'avait également rendue plus paranoïaque que je ne l'étais depuis ces jours passée à être séquestrée par ce dégénéré de Varseni. Alors quand un accès avait été fait vers mes comptes en banque, en tout cas ceux à mon nom, j'avais directement appelé ma conseillère. Une femme en qui j'avais confiance dans une banque que je conspuais - mais je détestais toutes les banques de manière générale alors... Si aucun opération n'avait été faite, je voulais savoir qui y avait jeté un œil. La bonne femme fut incapable de me répondre, plutôt embêtée par cette question pour le moins étrange... Pour elle, si aucune opération n'était prévue, il n'y avait aucune raison pour la banque de consulter ces données. Alors j'ai commencé à me faire un film... mais pas assez.

C'est quatre jours après que Dekian me refusa un rendez-vous. Me disant que tant que je ne me serais pas débarrassée de mon mouchard ambulant, je ne devais plus avoir le moindre contact avec lui ou avec la Cosa Nostra. Difficile à tenir... mais je tentai le coup. Il me laissait me démerder toute seule, découvrir qui me suivait, qui cherchait à se renseigner. Je voulais appeler Leo. Lui demander si par hasard... bête hasard... il ne serait pas à l'origine d'une petite enquête d'informations à mon sujet. Puis je soupirai. Pourquoi un directeur d'agence immobilière viendrait faire une enquête sur moi ? Et puis nous étions assez proches pour qu'il me pose les questions qu'il avait à mon sujet directement. Ce n'était pas son genre de toute façon, de fouiner. Enfin, de ce que je lui connaissais comme habitudes. Il ferait partie de la Cosa Nostra, peut-être le verrai-je différemment. Sauf qu'à ma connaissance, il n'en était rien. Absolument rien.

Difficile mais pas impossible, je finis par identifier la personne qui me suivait. Une femme que je croisais au loin sans jamais m'être arrêtée sur elle. Une femme suspecte que je n'avais pourtant jamais notée. Peut-être étais-je dans le faux. Peut-être que nos chemins se croisaient au simple hasard de nos existences... je devais savoir. Alors ce jour, lorsque je parvins à être juste à côté d'elle, je ne la lâchai pas du regard. Elle avait compris, elle se faufilait au travers de la foule. Quelques coups d'épaules et dix "pardon, excusez-moi" à la seconde, je ne lâchais pas le morceau. Le bain de foule se dilatait, inéluctablement. Nous étions aux abords du commissariat lorsque j'atteignis sa hauteur. Avant qu'elle ne s'élance et prenne la fuite, je la saisis au poignet et la forçai à s'arrêter. « Qui es-tu et qui t'envoie ? » Lui demandai-je d'un ton ferme mais d'une voix assez basse pour ne pas attirer l'attention. Mes yeux se plantaient dans les siens en un contraste flagrant avec l'image du petit bout d'femme sans histoire que les années n'avaient jamais chassé de mon front.