Un coup dans la cuisse, plus un acte de panique qu'un réel coup : il semble l'absorber sans le moindre mal, reculant seulement d'un pas. Saisissant l'opportunité, je voulus m'enfuir en courant mais l'homme en noir m'intercepta et m'arrêta brusquement. Je tentais de détacher sa main qui m'enserrait le bras, laissant dangereusement son visage approcher le mien. Mon cœur battait à vive allure et mes traits se tordaient de terreur. Des réminiscences du passé s'éveillaient à cette posture où un homme me contraignait à sa volonté. Procureur de Palerme. Depuis quand les figures d'autorités chassaient dans les rues ? Quoi qu'en réalité, ça ne me choquait pas... des corrompus, il y en avait partout. L'Albanie n'était pas un exemple très pertinent, mais Trapani pouvait l'être ; des dignitaires de l'ordre, de l'économie, de la politique... Certains clients paraissaient si propres sur eux et pourtant si obscènes dans leurs pensées... Ne faire confiance à personne. Surtout pas en la police et la justice. La justice n'avait fait que me salir aussi joyeusement que les pontes mafieux et proxénètes qui m'utilisaient.
Mes pensées s'accaparent mon silence. Et cessant de me débattre, je suis les pas dont cet homme se fait guide. L'hôtel... le réceptionniste verrait son visage. Alors même si je venais à disparaître, Oscar pourrait avoir une piste pour me retrouver. Il me chercherait, j'en étais persuadée. Il m'aimait, il ne m'abandonnerait pas...
Nous arrivâmes aux portes de l'hôtel vétuste. Il ne payait absolument pas de mine, mais il suffisait largement à mon confort. Ouvrant la porte, mon palpitant s'emballait à nouveau. Est-ce que le réceptionniste viendrait à mon secours si je criais à l'aide ? Saurait-il faire face à cet homme ou bien détalerait-il pour appeler la police ou éviter d'attirer l'attention sur son établissement ? Je n'en savais rien et mes pensées étouffaient ma réflexion. Je n'étais pas maîtresse de la situation, ça ne faisait que monter mon niveau de panique... alors je prononçai l'histoire qu'on m'avait contée. Incapable de réfléchir et d'agir par moi-même. Comme toutes ces fois où mes crises me forçaient à me raccrocher à la seule voix qui me parlait, quand bien même elle me disait de prendre une seringue d'héroïne ou de le laisser posséder mon corps. Une horreur qui constituait mon passé plus que je ne souhaitais l'admettre.
Le réceptionniste lorgne sur nous, se posant certainement mille questions. « Bonsoir, il est avec moi, ça ne dérange pas ? » Il secoue négativement la tête. « Bonsoir Irime, non non, aucun problème. Bonne nuit. » Un hochement de tête et je conduisis le soit-disant procureur jusqu'à ma chambre. La 321. Je passai la clé dans la serrure et l'ouvris. Nous entrâmes dans la chambre et la porte se refermai sans être verrouillée. Je gardais la clé dans ma main. « Qu'allez-vous me faire ? » Me tordais-je d'inquiétude, la voix incertaine et terrifiée. Pourquoi me conduire dans cette chambre ? Comment pouvait-il savoir que j'avais une chambre dans cet hôtel ? Depuis quand lorgnait-il sur moi ? Les questions se bousculaient et s'effondraient alors que mes muscles semblaient se tétaniser un à un.