Asher - for the night is dark and full of terrors

Ce cauchemar était de ceux qui avaient hanté Magdalena durant des années, lui, cet homme qu'elle pensait avoir imaginé de toutes pièces, venait à son chevet, au moment où elle s'endormait. Rien que son visage, déformé par ses nombreux tatouages suffisait à créer de nombreuses angoisses dans le coeur de la petite fille qu'elle était. Il avait commencé à la tourmenter lorsqu'elle avait 9 ans, Magda était persuadée de l'avoir rencontré, cet homme et la frayeur qu'il lui avait inspiré ne l'avait pas quitté, du moins, pas avant ses 15 ans. Des années étaient passées, pourtant, cette nuit, cet homme, ce cauchemar était revenu terrifier Magda dans son sommeil. Réveillée par son propre sursaut, la jeune femme se redressa violemment sur le matelas dans lequel elle dormait. Celui-ci appartenait encore à Polo, qui avait peu avant retiré ses affaires de la pièce qu'on avait confiée à la recrue. Nenia devait dormir, elle n'entendait aucun bruit provenant du salon, bien que les murs ne soient pas épais. L'heure actuelle lui échappait, mais elle ne doutait pas qu'il fasse nuit noire. Les couloirs semblaient vides, eux aussi, elle n'entendait rien. Prenant son visage entre ses mains, la recrue soupira et tenta d'apaiser les battements de son coeur qui s'était affolé. Ses mains tremblaient légèrement, son souffle était bruyant et saccadé. La recrue sentait le rouge lui était monté au visage, son dos ruisselait de sueur, une position bien peu confortable.

Prenant le temps de se calmer, persuadée que, de toute évidence, elle ne pourrait plus dormir pour cette nuit, Magda attendit un moment, les genoux pliés sous elle, assise sur son matelas. Une fois plus sereine, elle attrapa rapidement une paire de chaussettes, une serviette propre et sortit le plus discrètement possible de sa chambre, traversant le salon où dormait profondément Nenia, espérant ne pas réveiller celle-ci. Elle ouvrit la porte de leur logement et s'enfonça dans le couloir sans chaussure. L'air frais qui y régnait lui permit de reprendre un peu de contenance tandis qu'elle avançait à pas feutré vers les douches. Magda savait qu'elle n'était pas censée se balader dans l'avant-poste à une telle heure, il était prohibé pour les miliciens de sortir en dehors du couvre feu, et, de toute évidence, il était minuit passé. Cependant, après sa première expérience dans les douches mixtes et froides de Reiver, la recrue ne s'était pas sentie particulièrement à son aise dans celles-ci, l'idée de pouvoir profiter de la solitude et du calme de la nuit lui réchauffait quelque peu le coeur. Elle n'avait cependant pas la moindre idée de ce qui lui serait réservé si elle venait à être surprise.

Ôtant rapidement ses vêtements, elle posa ceux-là sur un banc, laissant non loin de là sa serviette et s'enfonça dans les douches. L'eau à peine tiède ruisselait sur son corps, elle ne pouvait qu'en apprécier la sensation. Tout était calme et vide. Bien loin du brouhaha des journées, bien loin du rythme imposé par l'avant-poste, bien loin des brimades et remarques méprisantes qu'elle recevait à longueur de journée. Elle n'était de toute évidence pas très douée pour le combat, elle n'était ni rapide, ni résistante, les marques sur son corps et ses courbatures en témoignaient. Elle était faite pour une vie plus douce, plus calme, plus réfléchie. Mais son destin était à présent à Reiver et bien que cela ne fasse que 8 jours qu'elle était arrivée en ce lieu, elle devait reconnaître que la tâche allait être plus difficile qu'elle ne le croyait.

Une fois propre et complètement calmée, Magda se rhabilla. Elle observa un instant les environs, espérant ne pas avoir été suivie ou épiée, mais personne ne semblait être là, du moins, c'est ce que la faible lumière lui laissait penser. Vêtue d'un jogging, de sa veste trop large dans laquelle elle avait enfoncé ses mains et toujours en chaussettes, la recrue fit le trajet retour, priant pour ne croiser personne. Il ne lui restait plus qu'un couloir à traverser, celui-ci formait un angle droit où la lumière était quasi inexistante, pressant le pas, elle s'y enfonça, rasant les murs. Mais ce qu'elle redoutait arriva, son pied glissa sur le sol alors qu'elle se heurtait à quelque chose. La surprise saisit les deux protagonistes et la recrue tomba juste à côté de celui-ci qu'elle venait de bousculer.  Lui aussi s'était retrouvé au sol par sa faute. La faible lumière lui permit de distinguer un visage. Celui de son cauchemar. La jeune femme resta interdite un instant, son coeur avait manqué un bond dans sa poitrine, elle se redressa, posant ses genoux au sol, paniquée. «Vous....  » entama-t-elle, laissant la peur traverser sa voix. «C'est... c'est impossible... » continua Magda tout en rampant au sol jusqu'à acculer son dos au mur derrière elle. Son regard ne pouvait se détourner du visage qui la toisait, elle n'en croyait pas ses yeux. Cet homme n'existait pas, il ne pouvait être réel. Pourtant il était bien là. Elle déglutit péniblement, sentant ses membres se mettre à trembler.

Magda n'était plus que l'ombre d'elle-même, incapable de détourner son regard de cet homme qui la surplombait par sa carrure. C'était impossible qu'il soit en ces lieux. Impossible même qu'il soit réel. Ses souvenirs étaient trop flous pour que la recrue se souvienne clairement de ce jour, lorsqu'elle avait 9 ans, à Helion. Pourtant, au fond d'elle, une terreur monstrueuse était encrée. Terreur vis à vis de cet homme dont elle ignorait le nom. Il s'était simplement redresser, et malgré la faible lumière des lieux, la jeune femme n'avait pas eut le moindre doute sur son identité. Il était celui qui hantait ses songes, celui qui était à l'origine, cette nuit, de sa sortie des dortoirs. Cela n'était cependant pas une excuse valable, pas avec ce genre de personnage, elle en était persuadée.

A présent debout, il lui jetait un regard qui fit redoubler les tremblements nerveux de Magda. Peu de personne pouvait se flatter de lui faire un tel effet, mais lui, lui il en était capable. Elle savait également, sans vraiment en connaître les détails, qu'il fallait absolument se méfier. Son corps entier semblait lui crier qu'il fallait fuir, qu'elle devait s'en aller, s'enfermer dans sa chambre, réveiller Nenia, la secouer si besoin. Appeler à l'aide, peut-être quémander la présence de Polo à ses côtés. Elle devait partir, elle ne pouvait pas rester dans la toile de cet homme, elle ne pouvait pas... Pourtant, malgré ses supplications mentales, Magdalena se trouva incapable de faire le moindre pas. Elle s'était acculée au mur, incapable de se redresser, de bouger, le souffle court.

Le visage de l'homme s'approcha du sien, un léger sourire déchirait son visage déjà monstrueux. Il était monstrueux avec ses tatouages et son expression de folie. «Alors, on est perdue? Papa et maman ne  pas appris à respecter le règlement? » lui intima-t-il d'une voix disharmonieuse. Sans plus de cérémonie, l'homme attrapa le bras de la recrue, la tirant sur ses pieds. Magda manqua de tomber à la renverse tant son équilibre était précaire. Le bras levé, maintenu par la masse monstrueuse devant elle, elle ne savait où poser son regard. Celui-ci s'attarda sur ses pieds, sans chaussure. Ce n'était bien évidemment pas une tenue pour se présenter devant ses supérieurs. A condition que cet homme fasse bien parti de Reiver. Portait-il une preuve sur lui? Un insigne, quelque chose? Peut-être était-il un intru, auquel cas, le rôle de la jeune femme était de protéger l'avant-poste. Au péril de sa vie.

La lâchant finalement, Magda serra son bras contre elle-même, tentant de s'acculer plus encore au mûr, tentant de mettre de l'espace entre l'homme et elle. Dans ce couloir sombre où elle ne distinguait presque rien, elle n'entendait que le son des battements de son coeur qui ne semblaient pas envisager un seul instant de s'atténuer. La peur la paralysait. “Nom et grade.” intima-t-il sèchement, ce qui poussa la recrue a relever les yeux, croisant le regard malsain de l'homme. “Immédiatement”  Un frisson lui parcourru l'échine alors que d'une petite voix, elle répondit «Ma-Magdalena Cowen. Recrue.    » Inspirant profondément, détournant de nouveau les yeux, la jeune femme prit son courage à deux mains, et du courage, il allait lui en falloir pour assumer ses prochaines paroles. Elle savait qu'un excès de colère de la part de cet homme pouvait être fatal. Les sourcils froncés, les larmes aux bords des yeux, elle se maudissait d'être incapable de ce souvenir de ce qu'il lui avait fait. Le traumatisme était trop présent. Les détails s'en étaient allés, il ne restait de ce jour qu'une vague de terreur et ce visage tatoué. «Qu-qui êtes vous?  »