With my regards
Il était aisé de déceler que je n'étais pas dans mon élément. Ce n'était pas une question de luxe ou de confort, mais de groupe : je n'étais pas de ces monstres. Je n'étais pas de leur monde. Malgré ce que mes gènes pouvaient crier, je n'étais pas des leurs et ne le serais jamais. Me retrouver alors dans leur tanière la plus précieuse alors même que je représentais ce qu'ils caractérisaient d'erreur eux aussi, était donc des plus déplacés. Me vint à l'esprit que cette faute de goût était calculée par mon maître. Sa perfidie n'avait d'égal que son excentricité.
Attendant avec impatience le feu vert pour tourner les talons, j'observe l'intendante avec attention. Mais ce que j'entrevoyais me déplaisait grandement... Le va-et-vient de son regard me rendait perplexe. Soudainement, j'entamais une curiosité certaine pour le contenu de la lettre. Impossible pour moi de la lire... j'essayais, en levant un peu le menton, d'apercevoir quelques lettres. Rien. Helena se recentra sur moi et, d'un air faussement coupable, je confrontai mes yeux aux siens. Elle énonça mon identité, me demandant de la confirmer. « Ça dépend du contenu de cette lettre... » répondis-je en craignant le pire. Pourquoi serait-il question de moi dans cette lettre ?
Mon rythme cardiaque s'accélérait alors que son laquais s'avançait à sa demande. Un pas de recul et une méfiance plus que de mise. Je me fige un instant lorsque l'intendante reprend la parole en commençant à me dévoiler l'objet de la missive apportée. Je devenais un gage, un dédommagement en attendant que mon maître ne restitue au château un esclave qu'il avait juger bon d'égarer. Un esclave qui se serait échappé ? Un qui aurait réussi ? Et je prendrai sa place au château ?! Cette histoire ne me disait rien qui vaille... et les traits froncés de mon visage laissaient entendre que je n'approuvais rien de ce qu'ils manigançaient.
Être esclave n'était pas une situation que je tolérais, ni que personne ne pouvait tolérer à part les détraqués et les inconscients trop abreuvés de science fiction pour adolescent en mal d'attention. Mais en plus de cela, voilà qu'on était échangés comme de vulgaires cartes de jeu. J'avais beau ne pas être des mieux traitées chez mon maître, au moins je commençais à le connaître, à apprendre les limites, les possibilités. Par contre, j'ignorais tout de cette vampire et de la vie qu'elle menait à ses esclaves. Si son pion semblait bien traité au coup d'œil que je lui jetai à la nouvelle de ce changement de situation, je n'étais en rien curieuse de savoir ce qui m'attendait.
La vampire m'accordait de m'exprimer, comme une dernière chance de parler avant qu'elle ne vienne à faire de ma vie un enfer. Que pouvait-il m'attendre de servir à l'intérieur de ce château ? Étrangement, depuis mon arrivée sur l'île, j'avais développé une peur certaine de l'inconnu. Et ça n'avait rien de la peur excitante qui déclenche l'adrénaline qui nous permet de franchir le pas, de dépasser nos limites. Il s'agissait de la peur viscérale qui nous poussait à prendre nos jambes à notre cou. Quelque peu choquée par la nouvelle, j'optai pour me défiler. Non sans tenter d'éviter de froisser l'intendante. Son ton calme laissait sous-entendre que la tempête savait l'habiter... « Mon maître a dû faire une erreur, il trouvera autre chose. Quelque chose de plus régulier que cet... échange », déplorai-je avec une aversion certaine pour la pratique. « Navrée de vous avoir fait perdre votre temps... » Sans attendre, cœur battant toujours de plus en plus vite, je me retournai pour emprunter la porte de sortie. Je voulais fuir, partir en courant, mais il me fallait garder au moins une illusion de contrôle pour ne pas voir cette entrevue mal tourner...