a6. Sing me to sleep φ Lorcan & Desdemona

Les mauvais rêves débordent. Parfois ils vous enveloppent d'un voile si opaque que la frontière entre réel et rêve se brise. Un sursaut et je suffoque. Les mains légèrement tremblantes. Autour de moi, les succubes inspirent et expirent l'air comme une litanie païenne. Sans se soucier du monde, des autres, de ce que demain leur réserve. Il faisait jour. À peine la journée commencée. Mon cœur me serrait et je ressentais cette fatigue qui devait être la sienne. Il n'était pas là. Il était dehors, seul, loin. Mon rythme cardiaque s'accélère et la panique me gagne. Sans prendre le temps de me regarder dans un miroir ni même de me vêtir, attrapant à peine au vol ce tissu à la toile noire transparente pour recouvrir la nuisette à dentelles à laquelle j'avais passé ces quelques heures de sommeil. Quelques heures... à peine deux à vrai dire.

D'un élan vif, je quittai le dortoir et gravis les marches menant aux chambres des maîtres sans faire attention à ceux qui me croisaient. Celle de Lorcan n'était plus très loin. Et si ma peur persistait, je crois qu'inconsciemment mon esprit comprenait. Ce n'était qu'un rêve. Un mauvais rêve. Mais j'abaissai la poignée et ouvris la porte sans attendre. Sans frapper ni patienter. La terreur faisant battre mon cœur si fort que tous les vampires de cet étage sans fenêtres avaient dû l'entendre. Les yeux écarquillés, mes sens me jouent un instant un tour. Il n'est pas là...

Je me précipitai vers le lit, la porte élancée sans force dont le cliquetis de la gâche remplie ne se fit entendre. Le palpitant en plein sprint, je me retrouvai à son chevet, paniquée à ne pas l'y voir. C'est en tournant la tête que je crus m'évanouir de soulagement. Je fermai les yeux et portai ma main à mon front. À la fois soulagée et gênée. Essayant de faire abstraction du vertige que cette montée d'adrénaline m'avait procuré. « Tu es là... tu vas bien... » soupirai-je, haletante à me remettre de mes émotions.