A hunt that turns
into unhealthy
temptation and fear
L'une des rares fois où mon maître avait la clémence de m'éloigner de la ville. Cette cité me vampirisait l'âme plus que le sang. Mon sang... ce n'était pas pour lui qu'il me retenait. Ce n'était pas pour lui que j'étais encore en vie et accordée à le régénérer. Paraît-il que le sang des dhampires n'est qu'une piètre ressource. Une saveur qui n'a rien de comparable à celui d'un être innocent. Je ne connaissais guère d'humain innocent, mais ils ont cela de différent des créatures obscures qu'ils ne vivent pas assez longtemps pour être complètement détestable. Ou presque.
Je me prête à croire que les humains les plus détestables ne sont, alors, que des vampires bien camouflés. Hitler était-il un vampire ?
L'entre deux où je me trouvais était le parfait paroxysme de mes doutes. Une place inconfortable que je n'osais changer. Se ferait-il au détriment de mon humanité ? Ou bien au prix de ma vie ? Les solutions n'étaient guère nombreuses...
Traversant la forêt, je sentis comme un poids se lever de mes épaules. Bien qu'Ezelve m'accompagnait - ou plutôt était-ce moi, l'accompagnatrice - je me sentais libre. Loin de moi l'envie d'abuser de cette opportunité, à l'espoir qu'elle se présente une nouvelle fois dans le futur. Si aucun faux pas n'était fait, alors Jesper m'accorderait d'autres de ces virées. Heartkiller s'éloignait de nous et je ne regardais pas en arrière. Profitant du calme de la forêt avant le crépuscule prochain. La journée allait se terminer, les vampires que le jour fatiguait le plus allaient se réveiller tandis que les esclaves diurnes iraient se lover dans les bras de Morphée. Douce valse rythmée par le soleil et la lune.
Nous ne tardâmes pas à atteindre les sources chaudes. Lieu de destination pour cette mission mandée : remplir des bouteilles de cette eau bienfaitrice. Tout deux armés d'un sac à dos occupé par des bouteilles, nous nous affairèrent à la tâche, laconiques. Je n'étais pas des plus à l'aise avec Ezelve et il le savait. Si d'ordinaire l'incube aimait en jouer, aujourd'hui il paraissait calme. Un calme appréciable qui éviter la moindre tension entre nous. Nos caractères avaient tendance à produire quelques étincelles...
Prenant la route du retour, attentive aux bruits et aux odeurs comme aspirant une part de forêt pour les prochains jours enfermée dans la cité, mes capacités vampiriques prirent les rennes. Si je n'aimais pas y avoir recours, ici il s'agissait plus d'un moyen de capter au mieux la beauté de ce biome si... haletant ?
Non loin de nous, des bruits de course. Ez ne comprit que trop tard mon intention. Quelqu'un était en danger. Laissant le sac à dos tomber au sol, je me dérobai à la vue de l'incube en une vitesse démentielle. L'un des avantages à être dhampire il faut croire. Mais j'arrivais trop tard. La chasse n'était pas mon domaine quand bien même j'avais les capacités de la rendre facile à souhait. Un vampire dans le dos d'une humaine qui lui servait d'abreuvoir. Le monstre à la carrure imposante avait négligemment déchiré le vêtement de sa proie, l'étreignant pour qu'elle ne puisse avoir la moindre chance de lui échapper. Arrêtée par cette vision d'horreur, il me remarqua alors que je me trouvais à quelques mètres derrière lui. Sa réflexion me répugna et sans évaluer mes chances face à un vampire, ignorant tout de lui, de sa force, de son rang, de ses intentions à l'égard des troubles-fête, je décidai d'agir.
Sortant le canif accroché à ma ceinture, je me précipitai à vitesse vampirique dans son dos et posai avec insistance la lame froide sur son cou massif. Il était plus grand que Jesper, me dépassant d'une vingtaine de centimètres, m'empêchant de menacer sa jugulaire, mais un couteau dans le cou en étant vampire ou non, ça faisait toujours mal. Il n'aurait certainement pas la moindre peine à s'en remettre, mais mon intention était plus de détourner son attention pour permettre à l'humaine de fuir. En espérant qu'il lui reste encore assez de sang pour ça... « Rassure-toi, je ne comptais pas jouer les voyeuses sale monstre », sifflai-je avec hargne sans encore réaliser que je pouvais tout aussi bien avoir signé mon arrêt de mort. « Laisse-la partir ! » Ordonnai-je, déterminée. Dans ma voix, il était simple de percevoir que cet acte n'était commandé que par témérité et non par confiance en moi. Mais si j'avais attendu une seconde de plus à réfléchir aux possibilités, ça aurait pu être la seconde de trop, achevant l'innocente humaine.
